"De la viande clonée dans nos assiettes ?" titre Le Parisien / Aujourd'hui en France le 7 aout 2010. Cette accroche spectaculaire fait suite aux révélations fin juillet de L'International Herald Tribune selon lesquelles des éleveurs européens (britanniques et suisses) ont commencé à exploiter la deuxième génération issue d'animaux clonés en profitant d'un flou juridique européen. LIEN VERS L'ARTICLE
Dans les jours qui suivent une enquête du Daily Mail met en lumière une ferme écossaise ayant acheté aux Etats-Unis deux bovins issus de l'insémination d'une vache clonée. Ces deux taureaux sont les pères de 96 veaux, clones dits de troisième génération, dont l'agriculteur espère exploiter le lait. Quant à la viande des 2 bovins, l'éleveur reconnaît l'avoir mise en vente sur le marché suite à l'abattage de chaque bête (en 2009 et 2010). Cette preuve formelle que de la viande d'animal « clonée » est rentré sur le marché européen fait le tour des media en Europe et relance le débat qui semblait au point mort depuis 2008 et l'avis rendu par l'EFSA , agence européenne de sécurité alimentaire.
Les premières questions qui viennent à l'esprit en tant que consommateur/citoyen: quels sont les dangers ? quelle est la législation ?
L'aspect sanitaire:
Dès la révélation de cette mise sur le marché de viande « clonée » (en fait pour être exact, la viande de 2 taureaux nés d'une vache clonée... encore des « fils de » !), les autorités britanniques affirment que la consommation de cette viande ne présente pas de danger pour la santé, mais on est en droit de s'interroger sur leurs intentions. Cependant dans Le Parisien du 7 aout, Marlene Holzner, porte parole de la Commission Européenne, confirme que tous les experts médicaux sont d'accord pour dire qu'il n'y a pas de différences entre manger de la viande d'animaux clonés et de la viande d'animaux « conventionnels ». Tous suivent dans ce sens les avis de l'agence européenne EFSA (« Rien n’indique qu’il existe des différences en termes de sécurité des aliments entre la viande et le lait obtenus à partir d’animaux clonés ou de leur descendance et ceux dérivés d’animaux conçus de manière traditionnelle » - juillet 2008 - http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/cloning.htm) et de l'agence américaine FDA (qui a cependant demandé aux agriculteurs de ne pas mettre sur le marché les clones de 1ère génération) en janvier 2008. En novembre 2010, suite à une enquête provoquée par le scandale, l'agence britannique la FSA, via Andrew Wadge son responsable scientifique, indique que "L'ACNFP a confirmé que la viande et le lait du bétail cloné et de leur descendants ne présentaient pas de caractéristiques différentes de la viande et du lait produits de façon conventionnelle"
Mais dès 2008, Vittorio Silano, qui dirige le comité scientifique de l’EFSA soulignait les difficultés rencontrées en raison du manque de données et de recul sur le sujet. (ben oui, tant qu'on en a pas mangé, on peut pô savoir !)
Les consommateurs restent inquiets, et le spectre de la vache folle de ressurgir.
Au nom du principe de précaution, on est en droit de s'interroger sur la législation.
L'aspect juridique:
Dans Le Parisien du 7 aout 2010, Louis Orenga, directeur du centre d'information des viandes (CIV) souligne que la réglementation européenne sur le clonage est floue pour les animaux de 2ème et 3ème générations et qu'on peut donc imaginer, bien que cela soit peu probable pour des problèmes de rentabilité, que de la viande « clonée » soit vendue en France. Même son de cloche du coté de la Commission Européenne, dont la porte parole Marlène Holzner explique dans le même journal la législation à l'époque: il faut demander une autorisation à la EFSA pour mettre en vente un animal cloné mais pas aucune autorisation spéciale n'est nécessaire pour mettre en vente le lait ou la viande de la progéniture d'animaux clonés. Donc notre ami fermier écossais était dans son bon droit !
Et depuis ?
En octobre (source Le Monde) la Commission Européenne a proposé d'interdire le clonage animal destiné à l'alimentation humaine pendant 5 ans. John Dalli, commissaire à la santé a déclaré « Il n'y a aucun besoin du clonage pour l'alimentation en Europe ». La Commission se dit préoccupé par la mauvaise image du clonage, mais préconise d'autoriser sous surveillance l'importation de la progéniture des clones (viande, sperme ou embryon). En effet la Commission considère que la descendance d'un clone est naturelle et donc ne pose pas de problème éthique.
Personnellement je trouve l'argumentation de la Commission un peu bancale. On nous dit qu'il n'y a aucun danger mais les scientifiques précisent qu'ils manquent de recul sur le sujet: le principe de précaution doit il s'appliquer ? Puis on fait un moratoire inutile (inutile puisque les animaux clonés de première génération sont bien trop chers pour être transformés en nourriture, ils sont utilisés uniquement pour la reproduction) sur les animaux de 1ère génération pour « rassurer » le grand public tout en autorisant les importations pour ne pas déclencher une guerre commerciale avec les Etats-Unis. On aimerait voir la Commission Européenne plus courageuse ! Soit il n'y a réellement aucun danger et plutôt que d'importer on ferait mieux de développer le clonage animal en Europe. Cela pourrait permettre la création d'emploi dans la recherche et l'exportation d'embryons (cela suppose aussi la mise en place de mesures sur la traçabilité des semences et une attention particulière à la biodiversité). Soit on considère qu'il y a un danger et on prend les mesures pour se protéger réellement !
En tant que consommateur je voudrais au minimum savoir si j'achète de la viande « clonée », en précisant de quelle génération.